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Blog de Mohamed  Sifaoui

Blog de Mohamed Sifaoui

- Des opinions qui refusent la compromission -


Ma lettre ouverte au général Khaled Nezzar (publiée par Le Matin.dz)

Publié par mohamed sifaoui sur 27 Décembre 2011, 21:38pm

Catégories : #mohamed-sifaoui

khaled-nezzar.jpgAu début de l’année 2002, alors qu’une vive polémique m’opposait, à la fois, aux éditions La Découverte et au prétendu "auteur" du livre intitulé La Sale guerre, l’ex-sous-lieutenant de l’armée algérienne Habib Souaïdia, l’un de vos avocats m’avait contacté à Paris pour me demander si j’acceptais de témoigner en votre faveur dans un procès en diffamation que vous intentiez à cet "auteur".

J’avais alors, immédiatement et spontanément, malgré mon statut de réfugié politique, choisi de vous apporter mon soutien dans cette affaire. À l’époque, deux raisons avaient motivé ma décision. Primo, j’avais compris que l’enjeu de ce procès résidait, non pas dans une banale polémique liée au droit de la presse, mais autour de la question relative à l’arrêt du processus électoral en janvier 1992. Ayant été, à l’instar d’un certain nombre de militants démocrates, de journalistes engagés et d’intellectuels et autres acteurs de la société civile, personnellement favorable à cette démarche, que je considérais comme salvatrice, il était donc normal, pour moi, d’être à la fois cohérent et honnête intellectuellement. Je vous avais d’ailleurs publiquement rendu hommage, lors de ce procès, pour avoir pris, avec vos collègues, les mesures nécessaires qui ont empêché le Front islamique du salut (FIS) d’instaurer une théocratie en Algérie tout en vous rappelant ma détermination à continuer de fustiger ce régime qui s’entête à refuser toute démocratisation du pays non sans instrumentaliser, à son tour, le fait religieux.

Secundo, ayant été le témoin direct d’une manipulation éditoriale, opérée par les éditions La Découverte, je voulais également apporter ma version des faits dans le but de contribuer à la manifestation de la vérité. C’était donc là les seules et uniques raisons qui m’avaient incité à braver les différentes pressions que j’avais subies et à m’afficher à vos côtés, bien que vous représentiez ce système que je ne cesserai de honnir. À l’époque, je vous avais dit publiquement, une première fois dans l’enceinte même du tribunal et, à une seconde reprise lors d’un face à face que nous avions eu, vous et moi, que mon témoignage en votre faveur n’était motivé ni par une adhésion à la politique suivie par le régime que vous avez servi tout au long de votre carrière ni par une démarche courtisane, attitude malheureusement répandue en Algérie, et encore moins par une volonté de me rapprocher de ce pouvoir moribond constitué, le plus souvent, de personnages œuvrant davantage pour leur destin personnel que dans l’intérêt du pays et celui des Algériens.

Ma décision était, et j’espère que vous l’avez comprise ainsi, désintéressée, nourrie par de profondes convictions démocratiques et de nature strictement politique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis ce procès, je n’ai pratiquement plus jamais cherché à vous contacter. Entre vous et moi, disons qu’il y a toujours eu un fleuve, non pas de sang, mais de différences idéologiques puisqu’à l’évidence, les valeurs que vous défendez au sein du système sont aux antipodes de ce qui a toujours motivé mes engagements. À l’époque, je m’en souviens et j’espère que vous aussi, vous m’aviez assuré que tous les chefs de l’armée algérienne étaient des républicains et qu’ils étaient innocents de tous les crimes qu’on leur imputait. Vous m’aviez également certifié que vous étiez un "légaliste" qui n’avait jamais enfreint les lois de la République algérienne. Ce fut, je le crois, l’essence des quelques échanges que nous avions eus, il y a de cela une dizaine d’années.

Monsieur Khaled Nezzar,

Lorsque vos collègues et vous-même, à l’époque ministre de la Défense, aviez pris la décision, avec le soutien de quelques démocrates et autres représentants de la société civile, d’arrêter le processus électoral, votre discours officiel prétendait que l’objectif de l’institution militaire visait à "sauver la démocratie" naissante d’un projet intégriste qui, objectivement parlant, mettait en danger la pérennité de l’État et menaçait, y compris, l’intégrité physique des citoyens.

Je suis de ceux qui se rendent compte vingt ans plus tard, qu’en réalité, vos collègues et vous-même n’étiez qu’accessoirement nourris par cette prétendue volonté de sauver la démocratie et que votre premier souci, peut-être bien le seul, consistait à aller surtout au secours d’un système de gouvernance rentier et arrogant, d’un régime autoritaire et antidémocratique. Pour ce faire, vous avez utilisé le danger islamiste, la crédulité de la société civile et la naïveté des progressistes pour fermer la parenthèse démocratique et pérenniser ce pouvoir corrompu, autocratique et falsificateur, incarné aujourd’hui par Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Gaïd Salah et Mohamed Mediène alias Toufik, pour ne citer qu’eux.  D’ailleurs, observez comment vingt ans plus tard, ce même régime, connu désormais pour son caractère inique et ses méthodes archaïques, continue d’être, à travers sa politique irresponsable, générateur d’islamistes et de terroristes. Observez comment après deux décennies de violence et 150 000 morts plus tard, ce pouvoir vieillissant s’apprête à livrer le pays aux fanatiques.

À la différence, vous y conviendrez, que ces intégristes qui vont hériter de l’Algérie sont différents des Abassi Madani et Ali Benhadj. En effet, ces islamistes dits "modérés", partenaires privilégiés du régime et de l’institution militaire, depuis plusieurs années, sont dangereux pour le peuple, pour la société, pour les principes démocratiques, pour les progressistes et pour les féministes, mais pas pour le "système" que vous continuez à soutenir.  Les Belkhadem, Soltani, Djaballah, Menasra et autres intégristes en costume, enfantés par le régime auquel vous n’avez cessé d’appartenir, ne sont dangereux ni pour vous-même ni pour vos collègues généraux et, comme vous le savez, ne remettront jamais en cause le système. C’est assurément ce qui explique votre silence à ce sujet.

Votre ancien acolyte Mohamed Mediène, vous ne l’ignorez pas, contrôle, à travers l’outil du DRS, ce champ politique qu’il tente de configurer (et aujourd’hui de reconfigurer) à sa guise avec la complicité d’un chef d’État, autocrate notoire, avide de pouvoir et désormais homme du passé et du passif. La plupart de vos collègues et vous-même n’ignorez pas non plus que les islamistes que vous avez choisi comme partenaires, je le reprécise, ne représentent aucun danger pour vos privilèges et ne vont pas contrarier la répartition de la rente puisqu’à l’évidence, ils en seront, eux aussi, des bénéficiaires.

À mes yeux, il s’agit là d’une double trahison. Celle opérée par ceux qui, comme vous, ont arrêté le processus électoral sans jamais dénoncer comme il se doit cette politique négationniste, appelée "Réconciliation nationale", entérinée par Abdelaziz Bouteflika, avec l’accord de l’armée, et qui a abouti à ce "quitus" donné à des assassins au mépris de la justice, des droits des victimes du terrorisme et de leur famille. Et celle opérée par vos successeurs visant à réhabiliter l’islam politique et à l’utiliser cyniquement tantôt comme "partenaire" tantôt comme "épouvantail" pour empêcher toute démocratisation effective du pays.

Finalement, l’islamisme a bon dos : il permet au système de se présenter comme une "alternative" à l’intégrisme aux yeux de la population algérienne et comme un "rempart" face au terrorisme devant les partenaires étrangers. C’est dire que cet islamisme que vous prétendez honnir, tout comme beaucoup de vos collègues généraux, est devenu, de fait, votre meilleur allié, votre alibi par excellence et votre sauf-conduit. Décidemment, le pouvoir algérien ne sait pas, ne veut pas tirer les enseignements de ses erreurs. Pire, celles-ci représentent en fait sa stratégie. N’ayant aucune légitimité démocratique ce système, reposant sur une police politique que vous n’avez jamais dénoncé, continue d’alimenter l’islamisme qui, en définitive, constitue sa seule légitimité.

Monsieur Khaled Nezzar,

Il y a quatre ans, exaspéré par la dérive tranquille entamée par le pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, toujours avec la complicité de cette fameuse police politique, dirigée par votre ancien acolyte, le général Mohamed Mediène, j’ai décidé de mener une investigation journalistique afin d’essayer de comprendre pourquoi l’Algérie, pays pourtant aux multiples atouts, n’arrivait pas à sortir de son marasme. J’ai donc réalisé de longs entretiens à la fois avec des responsables algériens et des observateurs occidentaux, j’ai questionné certains de vos anciens collaborateurs, quelques-uns des caciques du régime, des fonctionnaires, des militaires, certains à la retraite, d’autres, toujours en activité, bref, j’ai réalisé, à partir de Paris, le travail qu’on ne peut pas faire lorsqu’on vit en Algérie. J’entends d’ici déjà, les cris d’orfraies lancés par vos amis et autres courtisans qui vont probablement crier au "complot franco-sionisto-impérialiste" en usant de tout le barnum langagier, devenu tradition des hommes du sérail et de leurs larbins, pour tenter de diaboliser les voix discordantes, mais n’ayez crainte, dites-leur que l’homme qui avait témoigné en votre faveur n’avait alors obéi qu’à sa conscience et qu’il en fait autant aujourd’hui.

Ce long travail de recherches, ponctué par une série d’ouvrages, le premier étant Bouteflika, ses parrains et ses larbins, le second, Histoire secrète de l’Algérie indépendante, l’Etat DRS (les autres seront publiés ultérieurement), ce travail, dis-je, m’a permis de comprendre le rôle joué par un certain nombre de responsables, civils et militaires, dans le drame qui continue de bouleverser l’Algérie. Mais ce travail m’a permis également de me rendre compte que vous n’êtes pas, je le dis clairement, exempt de reproches et, pour aller plus loin, que vous m’avez tout simplement menti, comme vous avez induit en erreur une partie de l’opinion publique et particulièrement les démocrates. (Cliquez pour Lire la suite sur www.lematindz.net)

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O
<br /> J'ai suivi cette polémique qui concerne Nazzar. Je crois que ce type ce croit au dessus de la loi, vous avez raison de le signaler. Le pire ne le concerne pas lui mais ces dociles protecteurs.<br /> Nous avons que les dictateurs ne sont forts que si ils ont à leur merci la société et ses représentants. Quand je vois le nom des gens qui ont signé la pétition, médecin avocat, ancien ministre<br /> je me dis que l'Algérie est foutue. Le changement ne peut venir que de la base et des jeunes mais des choses comme ça ne veulent que garder leur pouvoir et essayer d'impressionner les étragers en<br /> faisant croire que tout le peuple et toute l'élite les soutient. Mr Nazzar et ses semblables doivent comprendre que le peuple et ses vraies représentants les vomissent<br />
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M
<br /> 227 Algériens signent une pétition pour que Nezzar soit poursuivi par la justice. Ils répondent aux 177 serviteurs du pouvoir qui ont signé une pétition en sa<br /> faveur<br />
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K
<br /> Il faut qu'ils répondent de leur politique desctructrice. L'Algérie est le dernier pays au monde à cause des gens comme Nezzar.<br />
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H
<br /> Cher compatriote<br /> <br /> <br /> J'étais l'un de ceux qui pensent que vous n'êtes pas cohérent dans votre militantisme pour la démocratie en Algérie. Et là je ne peux qu'être conforté dans ma pensée, de vous voir récidiver<br /> à travers votre texte ho combien éloquent, et convaincant, mais témoignant d'une attitude partiale. Pourquoi se focaliser sur l'assassinat de feu M. BOUDIAF, alors que l'action de ce<br /> Général sanguinaire ratissait large, ces cibles ne se limitaiement pas aux seuls islamistes!!!, des démocrates, des intellectuels, de simples algériens soucieux de leur pays et de leurs<br /> compatriotes, ont fait les frais de ce sanguinaire dont j'ai beaucoup de difficultés à le nommer, ....... pourquoi relativiser le fait dramatique de notre pays????, vous vous<br /> inscrivez dans une démarche où votre analyse de ces vingt années de gachis est tronquée, partiale, omettant sciemment ce qui permettrait systématiquement une sortie définitive de la crise<br /> sociétale qui nous frappe.<br /> <br /> <br /> Je finis ce petit papier par vous exprimer mon souhait de vous voir défendre la justice pour tous les algériens sans exception.<br /> <br /> <br /> Bon courage<br /> <br /> <br /> Salutations<br /> <br /> <br />  <br />
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H
<br /> Khaled Nezzar qui représente ce système mafieux veut se soustraire à la justice ? Y a t-il une pétition pour soutenir les juges suisses ? C'est celle-là que je signerai.<br /> <br /> <br /> Continue Mohamed, il ne faut rien lâcher avec ces gens-là et de nombreuses personnes te soutiennent<br />
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S
<br /> Il est bien dommage que ce beau pays soit dirigé par des personnes qui ne connaissent pas sa valeur. Dans ma famille on a soutenu l'indépendance de l'Algérie, mes parents y ont vécu un temps<br /> après l'indépendance. Ce qui frappe, c'est le mépris que le pouvoir algérien affiche à l'égard de ses élites. Là où d'autres pays cherchent à garder leurs élites, on a l'impression que des<br /> responsables comme Nezzar veulent à tout prix que les cerveaux algériens s'en aillent. <br /> <br /> <br /> J'ai moi même en France un groupe d'amis d'origine algérienne, ils sont médecins ou ingénieurs et me disent souvent qu'ils ne peuvent rien faire pour l'Algérie qui ne veut pas d'eux. <br /> <br /> <br /> Je vous remercie Monsieur Sifaoui de nous éclairer et je salue vos positions toujours courageuses et justes.<br /> <br /> <br /> Sylvain<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> PS : J'avais signé votre pétition contre Jean-Marie Le Pen et je soutiens par ailleurs votre combat contre l'extrême droite.<br />
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H
<br /> j'espère qu'il finira ses jours en prison lui et ses semblables civils ou militaires, islamistes ou pas qui ont causé le malheur de l'Algérie, notre beau pays. Tous. Ulac smah ulac<br />
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A
<br /> Azul Mohamed,<br /> <br /> <br /> J'ai lu cette lettre sur "matin DZ", mais permets-moi de venir la commenter chez toi. Comme à mon habitide, que te dire de plus, sinon qu'on peut remplacer, au bas de la "missive-brûlot", mohamed<br /> par ali sans que j'y trouve à redire. Vive l'Algérie! Prends soin de toi cher Mohamed! Rebbi ittewel fi aamrek!  Meilleurs voeux pour 2012!<br />
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K
<br /> Nezzar, Mosbah et cie sont tous des enfants de ce système. Ils feront tout pour qu'il reste comme ça et chongeront rien parce qu'il va de leur propre avenir. ils trouvent leur comptes avec ce<br /> pouvoir qu'ils servent même en retraite soit disons<br />
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W
<br /> nezzar comme ses complices sont foutus. le train de l'histoire et de la justice internationale sont en marche.<br />
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