À mon avis, Bernard Kouchner ne comprend strictement rien aux talibans et encore moins à l’idéologie qui les anime. Quelle autre réflexion peut-on avoir lorsqu’on lit sa déclaration, mentionnée dans l’entretien accordé au Figaro de la semaine dernière ?
Le ministre français des Affaires étrangères qui se targue de bien connaître l’Afghanistan pour s’y être rendu régulièrement durant sept ans, affirme : « Bien entendu qu’il faut négocier avec les talibans. En tout cas, avec ceux qui sont prêts à déposer les armes et à dialoguer ».
Une telle déclaration montre en vérité le degré de méconnaissance du french Doctor et quand bien même il passerait un siècle à Kaboul à appliquer des pansements, il ne semble pas disposer à découvrir la nature réelle de ces fanatiques tant sa sortie, pour le moins inopportune, est basée sur une vision fantasmé et exotique de cette région du monde.
D'abord, il est indispensable, je le pense, de lui préciser qu’est-ce qu’un taliban tant Mister Kouchner donne l’impression d’être à côté de la plaque. Littéralement ce mot qui est le pluriel de Talib, signifie « étudiant ». Or, ces étudiants, croit-on en Occident, apprennent la religion alors qu’en réalité, ils sont embrigadés dans des écoles dites « coraniques » qui enseignent une version du salafisme local, propagé par un courant de pensée appartenant à ce qui est appelé « l’école diobendi ». C’est l’un des courants intégristes les plus obscurantistes et les plus bellicistes qui existent dans le monde musulman. C’est cette école de pensée, présente à Peshawar, dans les zones tribales pakistanaises, à Quetta et à Karachi et du côté afghan au sein des tribus pachtounes, qui a formé les talibans pour en faire les barbares que l’on connaît aujourd’hui. C’est l’école du Mollah Omar et de tous les idéologues locaux qui soutiennent corps et âme le terrorisme, Al-Qaïda et Oussama Ben Laden.
Pour ces gens, que dis-je ? Pour ces illuminés, la question du djihad, de la guerre sainte, est centrale. Elle est consubstantielle à leur idéologie, certains d’entre eux sont même convaincus que c’est le sixième pilier de l’islam. La décapitation d’un otage ou une opération kamikaze revêt pour ces obscurantistes, la même importance que le jeûne du ramadan ou l’aumône obligatoire, si ce n’est davantage.
Tout ceci pour préciser que les talibans ne peuvent renoncer à la violence ; la « modération » comme l’entendent certains Occidentaux est synonyme pour eux d’apostasie, de renoncement à la cause, de manque de fermeté dans l’affirmation de « principes islamiques ». En d’autres termes, le vocable « modéré » n’est pas mentionné dans le dictionnaire des talibans, c’est une question totalement exclue de l’idéologie qui est la leur.
Ensuite, Bernard Kouchner dit qu’il faut négocier « avec ceux qui sont prêts à déposer les armes et à dialoguer ». Il est nécessaire de savoir à ce propos qu’un taliban qui dépose les armes pour dialoguer n’est plus un taliban et ne peut représenter que lui-même. La nature guerrière des pachtounes, tribu formant l’épine dorsale des adeptes du mollah Omar, et la vision qu’ils ont de l’occident en général et des soldats de l’OTAN en particulier sont autant d’éléments qui font qu’ils ne peuvent « déposer les armes » que s’ils sont militairement et politiquement vaincus et anéantis. Dans son dernier message, Ayman Al-Zawahiri a affirmé, au nom du mollah Omar, que les talibans ne discuteront avec les Occidentaux, je cite que s’il faut « leur montrer le chemin qui leur permettra de quitter l’Afghanistan ». Pour ces illuminés, les choses sont claires : ou ils gagnent en poussant les Occidentaux à quitter l’Afghanistan afin qu’ils y instaurent, de nouveau, la République islamique ou alors ils meurent pour aller rejoindre les « vierges du Paradis ».
Pour la France, comme pour les différents pays de la coalition, les choses doivent être tout aussi claires : soit ils continuent cette guerre en y mettant plus de moyens humains et logistiques et une stratégie politique limpide et assumée, soit ils ne veulent plus perdre de soldats ni dépenser d’argent et auquel cas, ils partent en assumant les conséquences qui pourraient découler d’un retour des talibans au pouvoir.
Enfin, il faut quand même arrêter avec cette notion absurde de « talibans modérés » qui doit faire rire
aux larmes le mollah Omar et ses amis. Sinon on finirait par aller à la recherche des cannibales végétariens !