À la suite de la publication de mes deux précédents articles, j'ai reçu un nombre très important de messages. Entre commentaires, courriels et autres SMS, il y eut près de 300 réactions en deux jours. Je remercie d'abord tous ceux qui ont voulu exprimer un sentiment, une critique, un encouragement ; ceux qui se sont manifestés par un petit mot de sympathie ou de soutien ; et je tiens à dire à ceux qui révèlent une opinion contraire à la mienne qu'ils seront toujours les bienvenus sur ce blog. Ici, ils seront, de toute manière, mieux traités que sur des sites ou forums islamistes où il leur sera plus difficile d'écrire un avis contradictoire à l'idéologie des fanatiques. Enfin, j'ai du modéré très précisément dix-neuf messages qui contenaient tantôt des menaces ou des injures, tantôt des propos racistes ou antisémites. Mais ceux-là sont tellement insignifiants que je ne m'y attarderai pas.
Autre constat rassurant, si beaucoup d'intervenants se sont déclarés juifs ou israéliens, d'autres se disent musulmans, chrétiens, athées ou agnostiques, sachant qu'une telle précision, si elle ne me gêne point, m'est totalement indifférente. Elle montre néanmoins qu'il est permis d'espérer encore et que, malgré, des différences réelles ou supposées, des personnes peuvent se respecter et avoir les mêmes aspirations : en premier lieu la paix.
Après réflexion, je me suis dit qu'il fallait continuer le débat sur la guerre entre Israël et le Hamas et j'avais envie d'aller plus loin dans l'exposition de ma pensée. N'étant pas de ceux qui s'expriment en des termes ambigus et adoptent des positions empruntes de double langage, je souhaite qu'on puisse comprendre quelles sont les raisons profondes qui me poussent à défendre des idées qui, je le conçois, ont beaucoup de mal à passer auprès des masses arabo-musulmanes. C'est un peu le sujet de mon prochain ouvrage, mais je prends le risque de le déflorer quelque peu tant il me semble primordial de participer à l'important débat qui doit exister dans la sérénité autour de cet interminable conflit israélo-palestinien en général et concernant ce drame que nous suivons en direct depuis près de trois semaines.
Premièrement. Je tiens à dire que je suis, moi aussi, très ému, très touché et très en colère lorsque je vois des enfants mourir. Si les auteurs de certains messages fort injustes estiment que le sort des civils de Gaza me réjouit, ils se trompent lourdement. Mais j'espère pouvoir garder un esprit distancié et un nécessaire recul pour tenter d'apprécier la situation avec un maximum de justesse. Je ne sais pas si j'y suis arrivé. Je ne soutiens pas que j'ai raison à tout prix. Mais je n'ai pas envie de tricher. Je le dis sans ambages, n'en déplaise aux fanatiques de tous poils, j'ai écrit avec conviction et sincérité. Je refuse de fonder mes idées sur la base de l'émotion ou encore en les intégrant dans une opinion dominante dans la société. J'ai toujours fonctionné ainsi et je continuerai. Je sais qu'il aurait été plus facile, plus simple et certainement moins contraignant de laisser libre court à mon émotion, de réagir de manière manichéenne, de suivre le climat ambiant, de chanter avec ceux qui scandent des slogans inacceptables, d'applaudir à l'antisémitisme, de défiler sous la bannière des fascistes du Hamas et du Hezbollah et d'être dans une complaisance et dans une connivence communautariste ou religieuse qui m'insupportent. Je suis musulman, ma position déplait à beaucoup de musulmans, soit ! Je suis arabe, ma position déplaît à beaucoup d'Arabes, soit ! Je suis d'origine algérienne et ma position déplait à la majorité des Algériens, soit ! Et enfin je suis un homme de gauche et ma position déplaît à beaucoup de gens de gauche re-soit ! Celui qui croit que dans une démocratie, un intellectuel, un écrivain ou un journaliste est là pour plaire devrait revoir les fondamentaux de ses convictions démocratiques. Les sociétés modernes, les grandes civilisations, les grandes idées humanistes et les plus grandes nations ne se sont pas construites dans un esprit de connivence collective. Elles ne se sont pas fortifiées grâce à des gourous qui dictent la pensée ni grâce à des Ayatollahs. Ce sont les intellectuels, les penseurs, les philosophes, les journalistes, les écrivains, les hommes de culture, les sociétés civiles, etc. qui grâce à leur esprit critique ont participé à hisser leur société vers le haut, à faire bouger les choses, à créer les débats et, en définitive, à faire évoluer la réflexion et la pensée.
Mon problème, réside dans le fait que, dans leur ensemble, les sociétés arabo-musulmanes - y compris celles communautarisées sous cette forme en Occident - préfèrent, en général, vivre, non pas affranchies des dogmes, de la religion, des doctrines, des Ayatollahs, des idéologues et des imams, mais sous la coupe de ces derniers qui leur dicte la pensée qu'ils doivent avoir. Raison pour laquelle que ce soit en France, dans les autres pays européens ou encore dans les pays musulmans, des citoyens sont globalement prisonniers, pire certains d'entre eux sont tels des moutons suivant un berger égaré, des béni-oui-oui incapables de se libérer du diktat intellectuel qui leur est imposé depuis des lustres. Hier, Nasser et le nationalisme arabe étaient à la mode, ils étaient tous nassériens et tous nationalistes. Aujourd'hui, Ben Laden et l'islamisme sont à la mode, beaucoup sont benladenistes et adhèrent à la pensée intégriste. Si demain Raël ou l'Église de scientologie sont à la mode, ils seront raëliens et adeptes de la scientologie à la fois. Dans ces sociétés, et il est dommage que cela se prolonge y compris au sein des « communautés » musulmanes vivant en Europe, on ne critique pas le dogme, le père, Dieu, la doctrine, le Prophète, les textes, l'autorité religieuse ; on se solidarise aveuglément avec les Palestiniens sous ce slogan idiot relayé depuis des années : « Avec la Palestine agressée ou agresseur » ; on n'existe généralement qu'au travers de ce qui est dicté par des gardiens du Temple souvent illégitime et autoproclamés. J'ai décidé pour ma part, il y a bien longtemps de sortir de cette prison qui a ankylosé les musulmans. Ni Dieu, ni les textes ; ni la Palestine ni le Prophète ne sont des tabous. Tout peut-être discuter. Tout !
L'imam a dit on marche, on marche ; l'idéologue estime qu'il faut crier, on crie ; l'Ayatollah a juré de rayer Israël de la carte, on raye Israël de la carte ; Al-Jazira a affirmé : « crime de guerre à Gaza », « crime de guerre à Gaza ». Voilà la vérité de beaucoup de musulmans aujourd'hui. Manipulables à souhait par le premier charlatan du coin. Beaucoup de mes « coreligionnaires » - et cela me désole - sont devenus autant de cerveaux disponibles pour absorber la haine, accepter la violence et cultiver l'intolérance, toutes distillées par des idéologues animés de desseins obscurantistes. Comment expliquer sinon que chaque manifestation que je vois dans les pays arabes - et même en Europe - se termine souvent par des actes de vandalisme et se déroule très souvent dans le brouhaha de propos haineux. L'émotion a, elle seule, ne peut pas tout expliquer. On peut exprimer une colère, y compris en silence. Ce n'est pas en jetant l'anathème sur un peuple, en scandant des insultes débiles ; ce n'est pas en brûlant des lieux de culte et en s'attaquant à la première kippa qui passe ; ce n'est pas en déversant son fiel et en se donnant en spectacle qu'on servira la « cause palestinienne ».
Deuxièmement. Pour revenir au sujet qui nous préoccupe, pourquoi ai-je appelé dès 2006 à travers un livre que j'avais écrit qu'il fallait, tout en lançant une guerre ouverte au Hamas, négocier sérieusement avec l'Autorité Palestinienne légitime, lui permettre d'avoir des résultats concrets, ce qui la renforcerait politiquement et, au-delà de l'aspect militaire, qu'il était nécessaire aussi de lancer une action sociale qui couperait l'herbe sous les pieds des islamistes du Hamas. J'avais alors précisé également qu'Israël ne devait surtout pas amalgamer combattant de cette organisation terroriste et civils. Si, j'ai formulé ce souhait, c'est en gardant en tête que la réalisation de la paix au Proche-Orient permettra de fragiliser le mouvement islamiste international. Ce n'est pas pour rien que Ben Laden, Zawahiri et leurs émules focalisent leurs discours sur ce conflit si particulier et si complexe. Alors qu'il s'agit là d'un conflit politique, il existe une doctrine qui s'est propagée aux quatre coins de la Planète et qui tente de lui donner un caractère exclusivement religieux. Non ! Il ne s'agit pas d'une guerre de religion, mais bien d'un conflit politique, faut-il le rappeler encore une fois.
Dans ce monde globalisé, nous ne pouvons pas, non plus, réduire un tel problème à une simple dimension régionale. Certes, dans l'absolue il s'agit d'un conflit régional, néanmoins il possède une portée internationale insoupçonnée. Il est utilisé comme abcès de fixation par des régimes arabo-musulmans, illégitimes et corrompus ; il est manipulé par les islamistes pour des considérations idéologiques et de stratégie de recrutement et de mobilisation et enfin il est miné par des partenaires occidentaux qui ont souvent fait preuve d'un égoïsme et d'un cynisme politique exagéré.
Tout en répétant que toutes les victimes civiles doivent être épargnées, c'est là un devoir et une obligation que l'État israélien doit respecter, j'attends néanmoins de voir que cette guerre permettra le démantèlement définitif du Hamas en tant que mouvement fasciste, soutenu par un État tout aussi fasciste, l'Iran en l'occurrence. J'espère qu'à l'issue de cette guerre, des négociations sérieuses vont reprendre avec l'Autorité palestinienne. Mais j'espère surtout qu'Israël jouera le jeu et fera les nécessaires concessions qui seront celles de la paix définitive. J'attendrai enfin de voir la communauté internationale soutenir l'Autorité palestinienne qui doit immuniser la population contre la maladie de l'intégrisme et toute tentation obscurantiste.
Alors oui, je soutiens cette offensive pour des raisons pragmatiques. Je ne suis pas Israélien, je ne suis pas juif. Je suis de confession musulmane et si je m'indigne devant la mort d'un enfant palestinien, je m'indigne tout autant de la mort d'un enfant israélien. Et si certains n'arrivent pas à le comprendre, et bien tant pis !
Je soutiendrai toute guerre qui est lancée contre un mouvement terroriste. Et je comprendrai toute offensive qui sera déclarée à l'intégrisme musulman. J'attends d'ailleurs que des mesures politiques concrètes soient menées à l'échelle internationale pour venir à bout de ce fléau qui ronge les musulmans et l'ensemble de la planète. Alors dans cet ordre d'idée, je dirai qu'Israël avait le devoir et l'obligation vis-à-vis de sa société de venir à bout du Hamas. Les islamistes doivent comprendre, y compris par la force quand il le faut, que les actions terroristes ne les mèneront nulle part !
Troisièmement. La réaction de certains « marcheurs du samedi » m'insupporte parce que je n'aime pas l'antisémitisme. Un commentaire posté hier par une jeune fille me révélait que cette personne avait quitté la marche au bout de quelques minutes tant la haine antisémite exprimée était immense.
Comme le racisme, cet autre fléau est une honte pour l'humanité entière. Détrompons-nous, la Shoah n'était pas le crime d'Hitler uniquement, c'était aussi un crime qui a montré les failles de notre humanité. Alors quand j'entends aujourd'hui des extrémistes essayer de faire bégayer l'histoire, je réagis. Je réagis de la même manière lorsqu'il s'agit d'un Noir, d'un Arabe, d'un Juif, d'un Asiatique ou d'un Indien. On me qualifie de « juif » voire de « sale juif » via certains messages lorsque je m'élève contre l'antisémitisme. Quelle absurdité ! Pourquoi ne me traite-t-on pas de « noir » ou de « sale noir » lorsque je défends un Africain ? Pourquoi personne ne me dit-il « arabe » ou « sale arabe » lorsque je m'élève contre un acte raciste ? Je pense comprendre les raisons enfouies dans le subconscient collectif de certains antisémites. Le « Juif » ne doit être défendu que par un autre Juif. On s'est habitué à laisser l'histoire essayer de se répéter. Alors le « Juif » serait-il indéfendable ? Pas pour moi en tout cas. Toute personne doit être défendue face aux fascismes.
Je ne comprends pas non plus cet affreux amalgame que certains fanatiques tentent de faire en essayer de mixer la situation au Proche-Orient avec la société française. Les Juifs de France ont le droit d'avoir de la sympathie ou même de soutenir Israël comme les musulmans ont le droit d'avoir de la sympathie et soutenir la cause palestinienne. Mais certainement pas le Hamas.
Est suspect, à mes yeux, celui qui, qu'il soit musulman ou pas, soutient cette organisation terroriste, criminelle, premier ennemi des Palestiniens. Celui qui le fait de manière irréfléchie et épidermique, guidée par sa seule émotion, gagnerait à prendre du recul et à se documenter sur l'histoire des Frères musulmans, celle du Hamas, celle du cheikh Yassine et sur celle de l'islam politique en général. Celui qui agit inconsciemment devrait relire la charte de ce groupe terroriste. Je suis prêt à la lui communiquer et probablement que je le ferai sur ce blog d'ici peu.
Donc, oui je le crois profondément quand j'écris dans mon précédent article : « je pense que plusieurs marcheurs du samedi défilent davantage contre Israël que pour la Palestine. Beaucoup d'entre eux ne marchent pas parce qu'ils adoreraient les Palestiniens, mais parce qu'ils ont une détestation idéologique pour tout ce qui est juif et pour tout ce qui a trait à Israël. » J'ai vérifié que j'avais raison après avoir lu et entendu ici et là certains commentaires de « marcheurs du samedi ».
J'aurais certainement l'occasion de revenir sur ce conflit, mais je voulais à travers ce texte compléter une
pensée qui, à mes yeux, devait être clarifiée davantage. En tout cas pour certains qui, à l'évidence, n'ont rien compris de ce que j'ai pu écrire par le passé.
Enfin une dernière réflexion. Mais vraiment une toute dernière dite de manière triviale. Mais pourquoi la mort est semée, les guerres éclatent, la famine se propage, les femmes et les minorités religieuses sont opprimées et j'en passe, pourquoi tout ceci se produit à chaque fois que des islamistes contrôlent ou tentent de contrôler un territoire ? C'est, certainement la faute d'Israël me diront certains...